LUNDI 26 AOUT

– 13h : ARRIVÉE, déjeuner,

– 14h : tour de table/présentation des participant-e-s

à venir

Le populisme est souvent vigoureusement opposé à une culture des droits humains. Et pour cause quand on sait à quel point les régimes populistes ont pu reposer sur des pratiques autoritaires et répressives. Pourtant, le registre des droits humains et celui du populisme sont à certains égards moins foncièrement distincts qu’il n’y paraît. Tout en critiquant le libéralisme, le populisme récupère et recycle à son compte une certaine morgue civilisationnelle qui lui est de longue date associée. C’est ainsi que l’on voit émerger ici ou là des alliances a priori contre nature entre mouvements populistes d’une part, et luttes féministes ou LGBTQ+, anti-racisme ou défense de certaines libertés. Au-delà du phénomène politique, il s’agira de s’attarder sur certaines des vulnérabilités du projet des droits humains à la captation par son contraire, quitte à souligner certaines des apories qui ont toujours été à son fondement.

– 19h30 : dîner

MARDI 27 AOUT

En 1997, l’examen de l’évolution du statut des étudiants étrangers à la suite des lois « Pasqua » nous avait amené à parler de la « fin de l’étudiant étranger ». Il s’agissait d’évoquer les transformations profondes des logiques que jusque-là permettaient d’accueillir dans les universités françaises des étudiants sans contrôles des autorités étatiques. En 2024, ne peut-on pas désormais évoquer de « fin du droit des étrangers »?

Il existe deux façons d’aborder cette question. 

D’un côté, on pourrait envisager la disparition du droit des étrangers car ceux-ci bénéficieraient désormais d’une égalité de traitement avec les nationaux dans la jouissance des droits et libertés fondamentaux sans que le principe de souveraineté puisse justifier de restreindre leur liberté de circulation et les soumettre à un statut spécifique régi par une police administrative spéciale ou, à tout le moins, que leur statut se rapproche de celui des citoyens de l’UE. Compte tenu de l’évolution du droit des étrangers ces dernières décennies, il est peu probable qu’on puisse dans des temps rapprochés connaître cette fin-là – vertueuse – du droit des étrangers par disparition des différences de traitement entre étrangers et nationaux.

D’un autre côté, on peut évoquer la fin du droit des étrangers dans le sens où les étrangers bénéficient, loi après loi, de moins en moins de droits. On assiste en effet depuis une trentaine d’années à un durcissement continu du statut des étrangers, guidé par des préoccupations d’ordre public et de maîtrise des flux migratoires, mais aussi des pratiques préfectorales entravant l’accès au quotidien des étrangers à leurs droits (dématérialisation, pratiques d’infra-droit, développement des procédures expéditives et dérogatoires, etc.).

Il s’agirait d’interroger un phénomène saillant de la politique contemporaine, la demande d’autorité politique, pour analyser les ressorts anthropologiques de l’autorité et montrer leur congruence fondamentale avec le respect des droits humains. L’argument est celui de la puissance sociale authentique que permet le déploiement d’une politique de respect individuel qui demeure indissociable du développement de liens sociaux, selon la formule balibarienne de « l’égaliberté ». En ce sens il s’agirait autant de critiquer les appels à une autorité fétichisée qu’à réfléchir aux conditions d’une autorité fondée démocratiquement.

– DÉJEUNER

L’atelier propose de questionner l’évidence partagée que constitue encore aujourd’hui le paradigme libéral au fondement de notre démocratie. Après avoir présenté les différentes caractéristiques reconnues à ce paradigme et les traces de son adhésion dans le discours juridique, il s’agira de montrer, à travers l’analyse de textes normatifs et de jurisprudences, comment, insidieusement, la malléabilité des dispositifs juridiques – principes, libertés, procédures, techniques – a contribué à un renversement de la logique propre à ce paradigme.

Qu’est-ce qu’une approche critique du droit ? Qu’ont en commun les critiques féministes, marxistes, de race ou postmoderne…? En quoi se concurrent-elles?  Que peut faire la critique en tant que phénomène disciplinaire ? Quels outils analytiques proposent ces approches?  Et surtout qu’est-ce qu’apporte une démarche critique à la recherche contemporaine en droit? L’intervention vise brosser une cartographie sommaire des approches critiques en droit en s’intéressant en particulier à leurs outils et aux concurrences et intersections entre différentes approches, écoles et sensibilités critiques. 

– 19h30 : DÎNER

MERCREDI 28 AOUT

Certaines valeurs universelles peinent à écorner, juridiquement parlant, la liberté d’expression. Lors même que la protection de la dignité de l’être humain sous-tend la répression des propos haineux ou discriminatoires, le tracé de la ligne de partage entre propos vexatoires et propos illicites demeure chose malaisée. La présentation abordera la normativité juridique vacillante du droit à la dignité lorsque sont en cause des propos outranciers. L’émoussement progressif du droit à la dignité – et le refus prétorien de consacrer son corollaire obligé, le préjudice dit émotionnel – sont l’occasion d’aborder la concurrence que se livrent droits fondamentaux et valeurs fondamentales. L’équilibrage nouvellement observé en droit canadien comme en droit français donne à croire en un certain parallélisme entre ces deux ordres juridiques. Quelques emprunts au droit européen, notamment au sujet des expressions profanatrices envers les croyants, parsèmeront aussi notre propos. Documents proposés à la lecture

« La fin des droits de l’homme » est le titre d’un ouvrage rédigé par Costas Douzinas en 2000. Cet atelier partira de la thèse de cet ouvrage pour interroger les notions de crise, de transformation, de mutation. Le paradoxe est en effet qu’en dépit (ou peut-être à cause ?) de toutes les critiques qui leur sont adressées, les droits humains continuent aujourd’hui à avoir le statut de normes ultimes, à l’aune desquelles les pratiques des États, des entreprises ou des communautés sont évaluées et critiquées. Ils constituent également un discours sur lequel de nombreuses revendications sociales prennent appui. Comment ont-ils gagné cette place quasi-hégémonique, quelles sont les causes historiques de cette évolution ? A partir d’auteurs qui ont interrogé la construction des savoirs, des disciplines, des « paradigmes » (T. Kuhn, M. Foucault), il sera proposé de remettre en question la construction des droits humains comme champ disciplinaire, en lieu et place d’autres projets universalistes. Les droits humains sont-ils la « dernière utopie » ? C’est en tout cas ce que suggère le titre d’un ouvrage de l’historien américain Samuel Moyn, dont les thèses seront l’objet d’une analyse approfondie.

– DÉJEUNER

à venir

– 19h30 DÎNER : soirée documentaire/ film 

JEUDI 29 AOUT 

De manière croissante, les technologies numériques dont l’IA sont utilisées pour remplir des fonctions de gouvernement et de régulation. Concurrençant ou transformant les matérialités établies en droit, elles imposent de penser de manière nouvelle les effets normatifs des dispositifs techno-juridiques.  Au-delà des enjeux liés à l’encadrement juridique de l’IA, comment les technologies numériques affectent-elles les modes de gouvernance et la normativité juridique?  Comment penser en tant que juriste la relation entre le droit et la technologie et ses implications pour les droits fondamentaux?  Comment les technologies numériques, et en particulier l’IA, transforment-elles la normativité juridique et certains mécanismes de l’État de droit ? Comment le pouvoir opère-t-il au sein de ces nouveaux assemblages technico-juridiques ? Quelles propositions théoriques sont formulées pour penser ces transformations ?

Souvent étudiées séparément et mobiliséss dans des champs cloisonnés, diversité bioculturelle et intendance de la biodiversité sont pourtant étroitement liées. Diversité bioculturelle et intendance des ressources génétiques apparaissent ainsi ensemble dans ce qui est souvent considéré comme l’acte de naissance de la bioculturalité : la Déclaration de Belém de 1988. L’intendance de la biodiversité est aussi intimement associée à « l’éco-politique » que Conklin et Graham voient se mettre en place dans les basses terres amazoniennes à la fin des années 1980 et qui se traduit par l’alliance inédite entre luttes autochtones et environnementalisme[1]. L’émergence de ce nouveau « terrain d’entente », qui exploite l’imaginaire environnemental global de l’« ecological native »[2], a offert aux peuples autochtones et communautés locales de premiers gains à l’occasion du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, en 1992. Un soutien politique alors inédit, fondé sur la réévaluation positive de la contribution environnementale des peuples autochtones et des communautés rurales, a notamment permis d’accélérer la reconnaissance de leur droit à la terre, au territoire et aux ressources naturelles, tout en consolidant la protection de leurs droits culturels. 

Observant l’apparition, en droit international et dans les droits nationaux, du concept d’intendance (stewardship) de la biodiversité, Sanjay Bavikatte a proposé un nouveau faisceau de droits – les droits bioculturels – qui assurerait la protection efficace des activités, pratiques, connaissances et valeurs des peuples autochtones et des communautés locales liées à leur rôle présumé d’intendant (leur « éthique d’intendance »)[3] de la nature. Cette proposition doctrinale, qui a reçu une première consécration nette dans l’affaire Atrato de Cour constitutionnelle de Colombie (2016)[4], a récemment connu de remarquables prolongements à travers le travail éthique, politique et juridique mené, en Amérique latine, autour du concept de patrimoine bioculturel[5]. Inséparable du concept intégratif de « territoire »[6] (mais aussi de « paysage »)[7], le patrimoine bioculturel permet non seulement d’attaquer frontalement le modèle propriétaire occidental qui gouverne les rapports à la terre – en pointant vers des formes d’appropriation sociale (« d’intendance »), non marchandes, elles-mêmes dépendantes « de pratiques culturelles, agricoles, écologiques, économiques, rituelles »[8] – mais aussi de construire de nouveaux outils de protection des modes de vie, identités, territorialités autochtones et paysans qui ouvrent par-delà le partage nature-culture, sans pour autant mobiliser le trope du bon « intendant de la nature » qui risque de faire (re-)surgir la question des devoirs fondamentaux et de l’éco-conditionnalité des droits.

[1] Beth A. Conklin et Laura R. Graham, « The Shifting Middle Ground: Amazonian Indians and Eco-Politics », American Anthropologist,  97-4, 1995, p. 695‑710.

[2] Astrid Ulloa, The ecological native: indigenous peoples’ movements and eco-governmentality in Colombia, New York; London, Routledge, 2005

[3] Kabir Sanjay Bavikatte, Stewarding the Earth: Rethinking Property and the Emergence of Biocultural Rights, New Delhi, Oxford University Press, 2014.

[4] SENTENCIA T-622/16. V. aussi : SENTENCIA SU-196 DE 2023.

[5] SENTENCIA T- 247 DE 2023 ; Ley de Fomento y Protección del Maíz Nativo como Patrimonio Biocultural y Alimentario del Estado de México, Gaceta del Gobierno, el 6 de octubre de 2022

[6] Separate Opinion opinion of the Judge Ediardo Ferrer Mac-Gregor Poisot. Case of the Indigenous Communities of the Lhaka Honhat (Our Land) Association v Argentina, 2020.

[7] Víctor M. Toledo, « El holón biocultural y su expresión en el espacio », Revista Rúbricas,  9, 2015, p. 12‑16 ; Víctor M. Toledo, « El axioma biocultural y su expresión en el espacio », in Víctor M. Toledo et Pablo Alarcón-Cháires (dir.), Tópicos bioculturales. Reflexiones sobre el concepto de bioculturalidad y la defensa del patrimonio biocultural de méxico, Morelia, Michoacán, Universidad Nacional Autónoma de México, 2018, p. 67‑76. V. aussi : CBD/WG8J/REC/10/2, 16 décembre 2017, p. 6.

[8] Arturo Escobar, Sentir-penser avec la Terre: l’écologie au-delà de l’Occident, Éditions du Seuil., Paris, 2018.

– DÉJEUNER

à venir

– 17h-19h : atelier de présentation des travaux des doctorant-e-s volontaires. Lien vers les travaux

– 19h30 DÎNER

VENDREDI 30 AOUT 

Les droits humains ont connu un âge d’or à partir des années 1970 aussi bien dans le champ intellectuel (fin des grands desseins) que dans le droit positif. Il s’est manifesté par un développement continu des droits notamment en droits des personnes et de la famille et des dispositifs de garantie des droits humains. Cet âge d’or a pris fin. La référence aux droits humains est désormais très critiquée dans le champ intellectuel qu’il s’agisse de pointer leurs liens avec le néo-libéralisme et ses excès ou de stigmatiser leur filiation occidentale. Les sociétés contemporaines sont par ailleurs confrontés à des défis sécuritaires, sanitaires et environnementaux qui conduisent au développement de législations qui restreignent à un titre ou à un autre l’exercice des droits humains. Cette évolution est l’occasion de faire retour sur la nature des droits humains et de mettre en valeur une approche objective de ces droits. Documents proposés à la lecture

Depuis la fin des années 2000, les plus grandes entreprises et plus largement le capitalisme comme système socio-économique sont les cibles de critiques de plus en plus frontales et visibles. Celles-ci pointent leur responsabilité majeures dans la dégradation des écosystèmes, l’explosion des inégalités à l’échelle mondiale et les menaces contre les droits humains. Simultanément, et en réponse à ces critiques, on assiste à l’essor de discours et de programmes affirmant la vocation des entreprises lucratives, et en particulier des plus grandes d’entre elles, à prendre en charge le bien commun, sous la bannière de la RSE et du good capitalism. Plus encore, une partie des milieux d’affaires, aux Etats-Unis comme en Europe, s’affirment comme les fervents promoteurs des valeurs progressistes et comme des remparts à l’essor des mouvements conservateurs et réactionnaires dans la sphère politique. Cette intervention se penchera sur les conditions de possibilité et les enjeux politiques de l’appropriation des discours progressistes par les grandes entreprises. Document proposé à la lecture.

– DÉJEUNER : départ